Ces chansons d’autrefois, qui fleurent bon la poussière des jours d’antan et les us et coutumes du passé, la plupart d’entre nous les connaît certainement déjà, qu’elles nous aient été apprises dans l’enfance ou parce que, tout comme les contes, elles ont pour habitat naturel la vastitude de la mémoire collective. Oui, tous ceux qui assistent et assisteront aux représentations des différentes pièces de MUTATIS MUTANDIS reconnaîtront probablement leurs airs, à peine sont-ils entonnés sur scène par les acteurs. Leurs paroles, en revanche, en laisseront plus d’un pantois : car si une même chanson a parfois connu plusieurs transformations, plusieurs variations au cours du temps, celles qui étaient populaires à travers le Ponant durant le règne du Voile d’Aphrodite ont été, pour la plupart, oubliées.
Déterrées des strates de l’Histoire par Gianni di Lorena, elles reprennent vie aujourd’hui sur les planches, et nous vous proposons dans cette section d’en retrouver les paroles, accolées à celles des versions les plus connues de nos jours en matière de comparaison.

Ribaud-le-Bel (Cadet Rousselle)
Pavane des Fées Sans-gêne : l’Envers du Décor, Acte I – p.113
Ribaud-le-Bel a des gitons,
Qui sont bien faits et polissons.
Il n’aime pas des demoiselles,
Ni les froufrous, ni les dentelles.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est exigeant !
Ribaud-le-Bel a d’un taureau,
Le vit qui est trois fois plus gros.
Si les belles en ont une peur bleue,
Il rend les hommes bien heureux.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est imposant !
Ribaud-le-Bel prise la vertu
De toutes les nouvelles recrues ;
D’un seul regard d’concupiscence
Il brise le sceau de l’innocence.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est impatient !
Ribaud-le-Bel aime abreuver
Ses frères d’armes de sa rosée :
Quand d’sa pine il a bien foutu,
C’est pis qu’un fleuve qui entre en crue.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est abondant !
Ribaud-le-Bel est homme pieu
Qui fait dévotion de son mieux :
Parfois même à plusieurs fidèles,
Ils prient au fond d’une même chapelle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel voit tout en grand !
Ribaud-le-Bel est incessant
Bien plus capable que tant de gens :
Des jours entiers durent ses culbutes,
Artiste il est pour la turlutte.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est bon amant !
Ribaud-le-Bel a un outil
Fait de beau bois et tout verni,
Destiné à la bagatelle ;
C’est lui qu’on a pris pour modèle.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel est surprenant !
D’Ribaud-le-Bel après trépas
De l’instrument, on s’souviendra.
Figure de proue ou bien statue,
Son héritage s’ra reconnu.
Ah ! Ah ! Ah ! Oui, vraiment !
Ribaud-le-Bel marque son temps !
Cadet Rousselle a trois maisons
Qui n’ont ni poutres, ni chevrons.
C’est pour loger les hirondelles ;
Que direz-vous d’Cadet Rousselle ?
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois habits :
Deux jaunes, l’autre en papier gris.
Il met celui-là quand il gèle,
Ou quand il pleut et quand il grêle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois chapeaux,
Les deux ronds ne sont pas très beaux,
Et le troisième est à deux cornes :
De sa tête il a pris la forme !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois beaux yeux :
L’un r’garde à Caen, l’autre à Bayeux.
Comme il n’a pas la vue bien nette,
La troisième, c’est sa lorgnette !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a une épée,
Très longue mais toute rouillée ;
On dit qu’elle ne cherche querelle
Qu’aux moineaux et aux hirondelles !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois souliers :
Il en met deux dans ses deux pieds,
Le troisième n’a pas de semelle,
Il s’en sert pour chausser sa belle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois garçons :
L’un est voleur, l’autre est fripon,
Le troisième est un peu ficelle,
Il ressemble à Cadet Rousselle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois gros chiens,
L’un court au lièvre, l’autre au lapin,
L’troisième s’enfuit quand on l’appelle,
Comme le chien de Jean de Nivelle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois beaux chats,
Qui n’attrapent jamais les rats ;
Le troisième n’a pas de prunelle,
Il monte au grenier sans chandelle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a marié
Ses trois filles dans trois quartiers ;
Les deux premières ne sont pas belles,
La troisième n’a pas de cervelle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle a trois deniers :
C’est pour payer ses créanciers.
Quand il a montré ses ressources,
Il les resserre dans sa bourse !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle s’est fait acteur,
Comme Chénier s’est fait auteur ;
Au café quand il joue son rôle,
Les aveugles le trouvent drôle !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Cadet Rousselle ne mourra pas,
Car avant de sauter le pas,
On dit qu’il apprend l’orthographe
Pour faire lui-même son épitaphe !
Ah ! Ah ! Ah ! mais vraiment !
Cadet Rousselle est bon enfant !
Compère Guilleri
Pavane des Fées Sans-gêne, Acte II
Il était un p’tit homme
Qui s’app’lait Guilleri, carabi.
Jour et nuit à la chasse,
La chasse à belle amie, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Qui donc vas-tu, qui donc vas-tu ravi ?
Les aima par centaines,
Péchant par galant’rie, carabi :
Ne resta plus une femme
À qui n’se fut donni, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Qui donc vas-tu, qui donc vas-tu ravi ?
Pour calmer son ennui,
Guill’ri au loin parti, carabi,
Mais fille ne trouva guère
Dont il n’se fut épris, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Qui donc vas-tu, qui donc vas-tu ravi ?
Il se jeta d’un arbre
Pour son malheur fini, carabi ;
Il se cassa la jambe
Et le bras se démit, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
D’un couvent tout’ les nonnes
Ont rappliqué au bruit, carabi.
On lui banda la jambe,
Et le bras lui remit, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
N’se laira point, n’se laira point mouri !
Pour remercier ces dames,
Guill’ri les embrassi, carabi,
Et d’manda à la ronde :
« Qui m’aim’ra aujourd’hui ? », carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Se lairait bien, se lairait bien ravi !
Les vierges pour tout’ réponse
Lui offrir’ un souri, carabi :
Au signal de la chasse,
Se dressa son fusil, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Se laira bien, se laira bien ravi !
Pour chacune des belles
Il sonna l’hallali, carabi,
Prouvant que par les femmes
L’homme est toujours guéri, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
N’se laira plus, n’se laira plus mouri !
Il était un p’tit homme
Qui s’appelait Guilleri, carabi.
Il s’en fut à la chasse,
À la chasse aux perdrix, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
Il monta sur un arbre
Pour voir ses chiens couri, carabi ;
La branche vint à rompre
Et Guilleri tombi, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
La branche vint à rompre,
Et Guilleri tombi, carabi :
Il se cassa la jambe
Et le bras se démit, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
Il se cassa la jambe
Et le bras se démit, carabi ;
Les dames de l’hôpital
Sont arrivées au bruit, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
Les dames de l’hôpital
Sont arrivées au bruit, carabi ;
L’une apporte un emplâtre,
L’autre de la charpie, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
L’une apporte un emplâtre,
L’autre de la charpie, carabi.
On lui banda la jambe
Et le bras lui remit, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
On lui banda la jambe
Et le bras lui remit, carabi.
Pour remercier ces dames,
Guilleri les embrassi, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?
Pour remercier ces dames,
Guilleri les embrassi, carabi,
Prouvant que par les femmes
L’homme est toujours guéri, carabi,
Titi, carabi, toto, carabo,
Compère Guilleri,
Te lairas-tu, te lairas-tu mouri ?